Tu es la femme sur ce tableau.

Regarde, tu es la femme sur ce tableau.

Tu portes une jupe grise, longue à taille haute.
Ton chemisier blanc est près de ta poitrine. Il enveloppe tes seins. Des petits boutons de nacre délicatement fermés et un col serré remontent jusqu’en haut de ta gorge.
Élégance d’un autre temps…
Ta taille est fine. Tes souliers sont beiges.

Le tableau est doux.
On peut te toucher.
Te sentir et te Voir.
Tu es assise dans ton boudoir. Tu poses.
Oh… comme tu es jolie !
Tu as le chignon bas des femmes de l’époque.
Des cheveux châtain clair et deux mèches ondulées qui tombent sur tes oreilles.
Tes yeux sont vert.

Une corbeille de fruits est posée là devant toi. Mise en scène voulue par le peintre.
Comparer ta beauté à celle des pêches et des figues, et du raisin. Fruits de l’été. Gorgés de couleurs et de jus.

Faire semblant d’être un fruit. Un délice. Un régal.
Faire semblant.

Beauté éternelle et presque inconcevable.
Presque douloureuse.
Presque trop.
Peut-on être trop belle ?

Sortir d’un rêve nébuleux.
Vague impression de déjà vu.
Vague à l’âme en surimpression.
….Lame de fond qui te submerge.

Par la fenêtre on aperçoit au loin des enfants.
Au pied du grand cèdre ils jouent avec un cerceau.
Le banc vert. Le petit chien blanc. Les quelques roses rouges.

Toi tu es là, dans ton boudoir.
Et tu poses.

La bonne dans sa cuisine prépare la soupe pendant que tu poses en silence.
Ton époux est au fumoir.
Tu poses.
Les enfants ne sont que des ombres dehors.
Tu poses.

Aucun bruit dans ta maison.
Un silence éthérique.
Et cette mélancolie sur ton visage….
Cette intensité dans tes yeux.
Cette extrême vivance.
Et cette frustration.

Ne rien dire jamais. Pleurer tous les jours. Te sentir vieille.

Les enfants te fatiguent. Le chien ne te fait plus rire.
Et ton mari rentre trop tard le soir.

Les roses n’ont plus ce parfum de l’enfance. Elles ont perdu de leur superbe. Même les roses t’ennuient.

Ennui. Terrible et douloureux.
Les journées trop longues.
Les nuits sans rêve.
Tu préfères mourir.
Et pourtant tu poses. Pour laisser une trace.

Une trace de fruit sur une toile jaunie.
Un fantôme.

Tu rêves de sortir du tableau et de visiter le monde.
Ce n’est même pas pensable.
Les femmes sur les tableaux ne changent pas de cadre.


Charlotte est ton prénom.
Tu es mélancolique.
Et quand tu te souviens de toi. …. de cette vie qui fut tienne, tu pleures.
Devant ce tableau tu pleures.
Devant cette solitude tu pleures.
Désarroi à peine perceptible.
Quelques larmes seulement mais qui transpercent ton âme.

Si un être aimé peut consoler tes larmes, alors blottie-toi contre lui Charlotte.
Si un être t’aime, qu’il accueille tes larmes.
Que de cette étreinte d’amour masculin et féminin se soutiennent et grandissent.
Aime cet homme. Aime cette femme.
Aime-les et guéris.

De ces larmes de guérison la conscience se pose. Te permettant de reconnecter à toutes ces femmes en toi et de leur rendre hommage.

Laisse-les couler.
Les larmes de la guérison.

En hommage à toutes les femmes de nos lignées.
A nos mères.
A nos grands mères.
Aux anciennes.
Et à la première femme.

En hommage à toutes les Charlotte. Les Marie. Les Berthe. Les Mélanie. Les Constance. Les Juliette. Les Sophie. Les Louise. Les jolies, les quelconques, les seules, les tristes, les fortes, les fuyantes, les mélancoliques….
Les sans-nom, les oubliées.
En hommage à toutes les femmes.
Toutes les femmes.
Jusqu’à la première femme.

Puissent les larmes de la guérison réparer nos lignées.
Puissent nos filles s’alléger des fardeaux de nos clans.
Pour que dans nos cellules brille de nouveau ton beau sourire radieux.
Ton beau sourire Charlotte.

Marjolaine Femme du Rêve
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