Ils m’ont brûlée comme sorcière.

Ils ont crié « Maudite ! » « Va brûler en enfer! »
Ils m’ont craché dessus. Ils m’ont frappée. Ils ont arraché mes vêtements. Ils m’ont entièrement rasée. Ils m’ont écartelée trois jours entiers. Ils ont cherché des tâches sur mon corps. Les grains de beauté que j’avais : preuve de mon appartenance au démon. Même les jeunes enfants m’ont jeté des pierres. Leurs mères me tuaient du regard.
Les prêtres m’ont aspergée d’eau bénite. Ils m’ont ordonnée de baiser leur crucifix pour racheter mes fautes.

Après maintes tortures, ils m’ont placée sur le bûcher.
Par chance, la fumée m’a vite étourdie, alors ma vie à défilé devant moi.
Et, je me suis souvenue de chaque instant.

Si je devais la refaire, cette vie, pour échapper à cette mort atroce, je ne changerais rien.

Je suis née dans ce petit village vers le fleuve du Rhône en Royaume de France.
Je vis avec ma mère et ma sœur.
Je ne sais pas qui est mon père. Probablement un du village, ou un homme de passage.
On vit à l’écart parce qu’on n’a pas le sous.
Je ne sais ni lire ni écrire. Je porte un tablier taché par les heures de labeur, et refuse d’attacher mes cheveux. Alors ils volent au vent et je sais que ça dérange, comme mes pieds nus blessés par mes mauvais sabots.

Ma mère est solide. Elle coupe son bois, tue ses chèvres pour nous nourrir et soulève parfois son jupon contre 2 livres de farine.
La vie est rude.
Souvent, elle part seule.

A l’automne on cueille des champignons, ceux là même réputés pour leur malheur de mort. Nous on les fait sécher.
Il y a la fée en eux. On le sait.

Au village ils font tomber mes œufs ou se moquent de mes guenilles.
Je ramasse des coups. Alors j’ai appris à me cacher, je suis sauvage.
Et comme je suis jolie, les hommes me regardent et les femmes me maudissent.

Il arrive que, moi aussi, je remonte mon tablier contre un pot de beurre.
Il y en a un que j’aime mieux que les autres, et avec qui j’ai de la joie. C’est le fils du forgeron. Il est doux avec moi, mais il va prendre la Pauline en mariage. C’est ainsi et je l’accepte…

Parfois des femmes viennent nous voir pour faire passer l’enfant qu’elles portent.
Alors on leur donne à boire des décoctions ou bien ma mère leur met des pointes dans le ventre.
Toujours en cachette on vient nous demander des philtres d’amour. Elles savent qu’on fabrique des charmes.
Ce savoir des plantes nous vient de nos grands-mères.
Personne n’avoue avoir recours aux trois folles qui vivent dans le bois, et pourtant…

Et puis il y a les soirs de pleine lune où, au fond de la forêt, nous partons toutes les trois. Autour d’un grand feu nous chantons et dansons. Je ne peux pas vous dire tout ce que nous faisons. -Je l’ai juré devant elles, de ne jamais révéler nos secrets-.
Mais ce que nous faisons, nous donne grande magie.

Au village, ils disent que nous fricotons avec le grand Cornu et que nous volons sur nos balais de sureau. Il est vrai que nous possédons ce don de voyager en dehors de nos corps, et que cela nous offre mille possibilités.
Mais nous ne propageons pas le malheur, ça je le jure !

La vie est ainsi, entière et rugueuse, sans pitié mais libre.

Et puis, hier soir, les juges de l’inquisition sont arrivés au village.
Dans la nuit, avec les villageois, ils sont venus me chercher. Ils ont fait irruption dans ma cabane qu’ils ont brûlée avec leurs torches. Ma mère et ma soeur sont mortes depuis longtemps. Grand bien qu’elles n’aient pas à subir elles aussi ce malheur !
Ils sont venus nombreux pour moi.

Quelque part je les attendais.
On n’échappe pas à sa vie, encore moins à sa mort.

Je n’ai pas eu de procès, que des accusations.
Il paraît que je mange des enfants, que je pactise avec le diable et que je porte malheur. Tout cela est faux je le promets. Mon seul tort est d’avoir honoré les dieux de la nature, et d’avoir vécu sans mari.

Ils m’ont brûlée comme sorcière.
Moi qui n’avais rien demandé.
Ils ont crié « Maudite ! » « Va brûler en enfer! »
Ils ont hurlé. Ils ont frappé.

Ils ont jeté sur moi tous leurs malheurs. Les mauvaises récoltes, la sécheresse passée….

Et je suis morte comme ça.
Seule sur ce bûcher.
Il pleuvait un peu ce jour là….


Je revois encore mes cendres monter au ciel et se mélanger avec la pluie. Cette pluie fine que j’aimais tellement, sous laquelle je courais enfant, nue dans ma clairière.
J’ai regardé une dernière fois ce petit village qui m’avait tant rejetée, à cause de ma liberté. Liberté qui a causé ma mort.

J’ai attendu que la pluie s’arrête, pour la regarder une dernière fois, enrober ma chère forêt. Puis, j’ai décidé de m’en aller, je ne voulais pas les hanter.
Je voulais juste repartir là d’où je venais, sous d’autre cieux, loin de l’enfer qu’ils me prédisaient.

Ils m’ont brûlée comme sorcière,
Une pluie fine tombait ce jour là,
et de cette vie, je me souviens….


De ces grains de beauté je garde toujours, parsemés sur mon visage, comme marque indélébile de ce passage sur Terre,
en temps d’inquisition.

De ce prénom de Plante sauvage que l’on m’a donné dans cette vie, comme marque indélébile de ce passage sur Terre,
en temps d’inquisition.

Nos présents sont porteurs de toutes nos mémoires. Regarde bien en toi et tu découvriras, viens, et apprends à te souvenir…

Ils m’ont brûlée comme sorcière,
Une pluie fine tombait ce jour là,
et de cette vie, je me souviens….


En hommage à la Grande Mère
En hommage au Clan des Rêveuses
Rappelle-toi de te souvenir
Souviens toi de te rappeler
La promesse que tu t’es donnée…

Marjolaine Femme du Rêve
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